Hors Programme - Au revoir l'école ? 👋
Bonjour à tous,
J’espère être parvenu à vous dépayser cet été, en étudiant la manière dont des écoles à travers le monde puisent dans les cultures indigènes pour faire grandir les enfants et les éveiller à la spiritualité. Chloe, une lectrice fidèle, me faisait remarquer qu’en Finlande - ce beau pays apparaissant souvent en tête des classements PISA - il existe bel et bien un cours de spiritualité pour les enfants, à partir de 7 ans. Au même moment, un article du Monde étaient consacré aux rites, faisait écho à ma lettre. Je vous le recommande.
Aujourd’hui, à l’occasion de la rentrée, je reviens sur une tendance observée outre-atlantique : l’apprentissage à distance, au moyen de nouveaux outils, qui depuis 6 mois se diffuse trés rapidement, sous des formes nouvelles.
👩🎓💻 Présentiel / distanciel à l’Université
Le recours aux cours en vidéo ou aux MOOC, l’usage de « Learning management system » s’est d’abord largement développé dans la formation continue et au sein des universités américaines. La Khan Academy a ouvert la voie. Suivirent les Coursera, Udemy, OpenClassroom en France et bien sûr YouTube, qui aujourd’hui sont incontournables pour beaucoup d’étudiants qui se forment en complément de leurs études. Des universités se créent, uniquement en ligne, qui proposent à leurs étudiants un modèle d’apprentissage inspiré de la classe inversée : des cours en ligne le plus souvent seul pour apprendre, des classes de discussion ouverte - également en ligne - où l’enseignant sert plus de médiateur ou d’accoucheur, faisant circuler la parole au lieu de la monopoliser. C’est notamment le cas de Minerva University, qui, est considérée aujourd’hui comme l’une des meilleures universités américaines.
🧒💻 Présentiel / distanciel de l’école primaire jusqu’au Lycée ?
Quid des écoles primaires, collèges ou Lycées ? Jusqu’à présent, ils étaient relativement épargnés par cette tendance. Tout au plus avaient-ils adopté plus ou moins massivement et efficacement l’usage de tablette. Le confinement planétaire a semble-t-il accéléré l’adoption d’autres solutions, inspirées de celles utilisées dans les universités, qui tendent aujourd’hui à se diffuser rapidement.
Elles ont pour nom Prisma (de 9 ans à 14 ans) et Galileo (de 8 ans à 18 ans), et se présentent comme des alternatives à l’école. Voici leurs caractéristiques :
Des groupes de 12 à 20 élèves
Des “expert learning coach” (cette terminologie évite à ces entreprises d’employer des enseignants diplômés) chaque matin pour accompagner les enfants et fixer les objectifs de la journée
Des contenus à disposition pour apprendre par soi-même, et des applications disponibles ailleurs (Galileo encourage à utiliser par exemple Duolingo, Khan Academy)
Des échanges en Visio pour débattre et valider sur les apprentissages
Les plus mis en avant :
Que l’enfant puisse aller à son rythme, et travailler selon ses intérêts, en groupe
Couvrir des matières telles que le développement informatique, le design thinking ou la citoyenneté en ligne et la sécurité, que le programme américain n’aborde pas (puisque ces entreprises sont pour l’heure principalement américains). Galileo propose des nanodegrés sur chaque sujet.
Les moins :
Il est certain que ce mode d’enseignement est destiné à des enfants déjà autonomes ou capables de le devenir rapidement.
Il exige par ailleurs la présence d’un parent, et qui doit renoncer à son emploi, au moins partiellement.
Même si ces services font valoir qu’ils proposent une expérience de co-apprentissage, je doute qu’ils favorisent le développement des compétences sociales et émotionnelles. La coopération est permise via des exercices en groupe ou clubs, mais à distance, ce qui rend l’exercice plus compliqué, surtout pour des débutants.
Le coût au final de cet enseignement - même expérimental - est très élevé et s’adresse - comme le podclass qui se multiplient - à des familles aisées éloignées des villes ou privées d’écoles pour cause de Covid.
🤔 Des cours en ligne en complément ou à la place de l’école ?
Déjà en France ce format apparaît - mais en complément de l’école, proposé par des entreprises comme Acadomia avec A.live, qui cible des élèves de la 3éme à la Terminale.
Mon sentiment face à cette tendance de fond ? Je me pose d’abord la question de l’âge à partir duquel elles sont pertinentes et souhaitables. Ailleurs en Europe, le succès de plateformes de cours en ligne comme Sofatutor (plusieurs millions d’utilisateurs par mois) My Tutor montrent qu’elles répondent bel et bien à un besoin des élèves - même et peut-être surtout des élèves défavorisés (à moins qu’elles ne répondent d’abord à un besoin des parents 🤔). En Chine, Yuanfudao compte 400 millions d’utilisateurs. L’Inde n’est pas en reste avec Byju (à partir de 4 ans…) qui comptabilise quant à lui 35 millions d’utilisateurs. Je pense que ces solutions ne sont probablement souhaitables qu’à partir du collège et restent complémentaires à l’écoles. Elles peuvent difficilement s’y substituer.
Prisma et Galileo se posent quant à elles comme des alternatives. Comme souvent les startups EdTech américaines vont plus vite que la musique. Elles voient l’opportunité marché (post-covid), avant de voir la pertinence pédagogique. Les résultats au final peuvent être décevants, et très inégaux forcément selon le niveau initial et l’autonomie des enfants.
Ceci dit, les enfants n’ayant pas accès à l’école ou faisant de toute manière l’école la maison peuvent voir dans ces solutions un complément utile leur permettant d’échanger avec d’autres personnes que leurs parents.
À partir du Lycée, ce modèle d’école en ligne semble très efficace, si l’on s’en remet aux résultats de Minerva. Efficace auprès d’une certaine typologie d’élèves, qui sont autonomes et ont déjà un bon niveau. On l’aura compris, ce modèle n’est pas franchement égalitaire, là où la Khan Academy avait au contraire introduit le digital pour diffuser largement la connaissance à tous.
Alors au revoir l’école ? Pas vraiment, et certainement pas pour tous.
Bon dimanche à tous,
Matthieu