Bonjour Ă tous,
Cet Ă©tĂ©, jâaimerais vous parler dâapprentissage dans la nature et en communautĂ©. Pourquoi parler de cela aujourdâhui ? Parce que câest prĂ©cisĂ©ment de nature et de lien social que nos enfants ont manquĂ© jusquâĂ lâĂ©tĂ©.
Ă quoi peut bien ressembler une Ă©cole en pleine nature, oĂč tous les membres adultes - quâils soient ou non Ă©ducateurs ou enseignants - contribuent Ă faire grandir les enfants ? Â
Il y a deux ans environ, suite au visionnage du documentaire « Lâautre connexion », jâavais enquĂȘtĂ© sur les Ă©coles dans la forĂȘt qui placent la communautĂ© au coeur de leur projet pĂ©dagogique, en sâinspirant des traditions et rites indigĂšnes. Ce qui mâintĂ©ressait alors Ă©tait de comprendre ce qui Ă©tait transmis aux enfants, comment et pourquoi.
Je partagerai avec vous le long article que jâavais rĂ©digĂ©, et qui nâa pas trouvĂ© sa place dans le livre. Mais avant cela, jâaimerai en guise dâintroduction partager avec vous une expĂ©rience que jâai vĂ©cue fin juillet, qui sâinscrit dans la droite ligne de « lâautre connexion » . Il sâagissait dâun stage en famille, organisĂ© dans le PĂ©rigord noir.Â
Au programme : vivre ensemble, dormir dehors, se rassembler autour du feu pour cuisiner, chanter et raconter des histoires, jouer, explorer les richesses de la forĂȘt, aller Ă la rencontre du vivant. Vaste programme me direz-vous. Suffisamment large et flou pour rĂ©server quelques surprises, qui ne manquĂšrent pas !
Ce qui mâa surpris đź
Ce qui dâabord interpelle lorsquâon arrive dans une telle communautĂ©, câest la participation aux regroupements et Ă la plupart des activitĂ©s du groupe. On sâappelle par des cris de loups dâun bout Ă lâautre du bois, on forme des clans, on chante en coeur⊠Câest le jeu. Si les enfants sont enchantĂ©s, les adultes prennent du temps Ă sây faire. Cela implique de se laisser aller, sans se prendre au sĂ©rieux, ni se poser de questions. Bref, compliquĂ© pour moi !
Une fois les rĂšgles du village formulĂ©es ensemble, une communautĂ© spontanĂ©e se met peu Ă peu en place, composĂ©e pour la plupart de personnes qui ne se connaissent pas, qui ne partagent pas nĂ©cessairement le mĂȘme background, mais qui pour autant sont bienveillantes les unes envers les autres.
RĂ©sultat : un climat de confiance et dâĂ©coute qui favorise les Ă©changes et les rencontres. Si Ă ce climat on ajoute les chants, les rires des enfants qui autour sâagitent, alors on se surprend, a posteriori, Ă se dire quâon a touchĂ© Ă une forme dâharmonie.
En regardant les parents autour de moi le dernier jour, jâai compris que ce sentiment avait Ă©tĂ© partagĂ©. Les pleurs dâĂ©motion ne trompent guĂšre. Rarement il nous est donnĂ© de ressentir cela de façon collective. Parce que la sociĂ©tĂ© ne nous y a tout simplement pas habituĂ©. Ce qui interpelle, câest que nous ayons oubliĂ© cela, et que nous ne puissions le vivre que sous la forme dâune parenthĂšse.
Ce qui mâa Ă©mu đ
Avant ce stage, jâavais des rites de passage une comprĂ©hension superficielle. Certes je mâĂ©tais penchĂ© sur le sujet lors de lâĂ©criture de lâenfant dans la nature, et jâavais vu quelle place ils avaient dans lâĂ©cole de Ingrid Bauer et Jean-Claude Catry. Mais les vivre est entiĂšrement diffĂ©rent.
Lors de cette semaine passĂ©e dans les bois, jâai vĂ©cu deux rites, plus un troisiĂšme, que je pense pouvoir restituer, sans pour autant en avoir Ă©tĂ© tĂ©moin.
Le premier consiste Ă laisser partir nos enfants aĂźnĂ©s pour dormir Ă la belle Ă©toile, en petit groupe. Il marque le passage Ă une forme dâautonomie, mais Ă©galement la confrontation avec une nature dans laquelle les enfants vont peu Ă peu sâimmerger.Â
Ce qui touche dans ce rite en tant que parents, câest lâavant et lâaprĂšs. Quand lâensemble de la communautĂ© chante autour du feu, raconte des histoires, prĂ©pare le groupe au dĂ©part. Que les enfants sâenfoncent dans la pĂ©nombre, et se retournent une derniĂšre fois pour faire au revoir de la main. Câest, tĂŽt le lendemain matin, lorsque les parents attendent les enfants autour du feu. Impatients de lire quelque chose (un changement, une Ă©motion) sur les visages.Â
Ce qui touche, câest que ces passages soient individuels et dans le mĂȘme temps vĂ©cus de façon collective. Le soutien, lâaccompagnement est total. Il donne Ă la fois lâĂ©lan et le recul, le sens et lâĂ©motion.
Lâautre rite dont je voulais parler, sans pour autant avoir pu y participer, est un cercle de femmes, pour accueillir les jeunes filles susceptibles dâavoir leurs premiĂšres rĂšgles dans les mois ou annĂ©es suivantes. Dans ce cercle, des mĂšres partagent des histoires et des tĂ©moignages avec ces jeunes filles, la parole se libĂšre sur un sujet pourtant Ă©minemment intime. Je nâai vu de ce cercle que les mines embuĂ©es de la plupart des mĂšres Ă la fin. Ă travers cet exemple, je comprends comment une communautĂ© peut apprendre un enfant Ă vivre, Ă traverser les Ăąges et les Ă©tats de son corps, en bĂ©nĂ©ficiant de la sagesse collective.Â
Je pourrais revenir sur plusieurs moments, quâil me reste encore Ă digĂ©rer. Ce que pour lâheure je retiens, câest que rien ne me prĂ©disposait Ă participer Ă une telle expĂ©rience. Pour ĂȘtre franc, je suis un ours ! Câest prĂ©cisĂ©ment pour cela quâil fallait la tenter. Pour comprendre - comme les autres parents prĂ©sents - comment Ă travers nos enfants, nous pouvons encore grandir.
Pour aller plus loin, cette vidéo de France Culture sur la disparition des rites de passage, et sur leur utilité.
Ă la semaine prochaine, avec lâarticle dont je vous parlais en prĂ©ambule.
Bon week-end Ă tous,
Matthieu
PS : Moina Fauchier-Delavigne publie fin août son nouveau livre, co-écrit avec CrystÚle Ferjou : Emmenez les enfants dehors ! Un livre à ne pas manquer pour découvrir les bienfaits de la classe dehors.