Bonjour à tous,
Aujourd’hui, je voudrais partager avec vous quelques expériences professionnelles récentes. Il y a peu, j’ai été confronté à des formes radicales de non-coopération, dans des domaines aussi variés que les secteurs publics, privés et associatifs. Je suis passé par l’étonnement, l’agacement puis le découragement… Cela m’a amené à prendre la mesure des conséquences et à m’interroger sur les causes de tels comportements.
Une question d’impact 👊
Dans un cas, une personne - voyant arriver des porteurs de projets susceptibles de travailler sur des sujets dont elle a la responsabilité - se ferme, refusant de dévoiler ses actions et de ses plans, empêchant de ce fait quiconque de travailler avec elle. Ailleurs, au même moment, un responsable voyant un projet (B) vaguement similaire à celui de son organisation (A), s’empresse de le freiner, pour finalement s’apercevoir que quelqu’un d’autre au sein de son organisation développe un projet également similaire (C), qui l’oblige à s’éffacer... inutile de dire que tout cela mis bout à bout, représente des centaines de milliers d’euros gâchés.
Ubuesque, kafkaien…on ne sait trop quel adjectif employer, tant ces anedotes sont communes et en même temps surréalistes. Ridicules et en même temps préoccupantes.
Dans chaque cas, une sorte de conflit de génération se met en place : avec d’une part des acteurs plutôt jeunes, qui arrivent avec des idées ou des méthodes neuves. Pas mal l’élan et d’innocence. De l’autres des personnes bien en place, plutôt issues de la génération précédente, qui défendent leurs positions ou simplement brouillent le jeu pour mieux régner.
Impossible de faire coopérer ces acteurs et plus largement de faire abstraction des enjeux de pouvoir qui ruinent les grandes organisations publiques, privées et associatives. Je sens pourtant, chez les plus jeunes de mes interlocuteurs, la volonté de faire ensemble. Elle s’explique bien entendu par le fait qu’ils n’ont pas encore le pouvoir. Mais aussi par le fait qu’ils ont compris que l’enjeu était d’avoir le plus d’impact possible dans leur organisation et que pour ce faire, il fallait jouer groupé.
Au final, la solution au problème ne résiderait pas seulement dans une éducation à la coopération, mais plus fondamentalement dans un recadrage sur le sens même du travail. Or ce travail est, pour les jeunes générations, de plus en plus perçu comme un moyen de transformer le monde, et de le faire évoluer dans le bon sens.
Ce que l’on voit émerger, ce sont des entreprises ou des ONG qui se construisent autour de ce sens, et qui pensent leur organisation - ouverte et coopérative - à partir de lui. Les jeunes en quête d’impact prennent acte du fait que les larges organisations ne s’organisent plus de façon efficiente ni pertinente. Ils les quittent pour rejoindre des organisations plus petites, mais organisées pour avoir un impact.
Avant même de penser coopération, il faudrait donc apprendre à penser le sens de ce que l’on entreprend, et ce dés le plus jeune âge. Angela Duckworth propose sur ce point des exercices aux enfants, à travers sont “Purpose playbook”, pour encourager les enfants à identifier le sens de leur projets et à partager ce sens autour d’eux. Je vous invite à lire ces conseils et à en discuter avec vos enfants.
Une question de plaisir 😊
Ce n’est qu’ensuite que se pose la question de savoir comment interagir et travailler avec les autres. Tous les articles que l’on peut lire sur les soft skills mettent d’ailleurs souvent la charrue avant les boeufs, faisant l’impasse sur le “purpose”, qui est clé.
Pour être franc, je pense pouvoir dire que la coopération n’est pas entiérement naturelle pour moi, et même les gens de ma génération. Si je me base sur un exemple récent, dans le monde associatif, je peux dire qu’il m’aura, à moi et d’autres, fallu du temps pour adopter une démarche totalement “open source”, et privilgérier la création de communs. Le milieu des associations est intéressant car les enjeux d’argent sont moins importants. Reste le pouvoir et l’égo, qui se cristallisent chez des gens qui avec l’âge perdent définitivement de vue la notion de sens, et parfois celle du plaisir.
Car jouer solo n’est agréable pour personne, là où jouer grouper peut être une source de plaisir pour tous. Avant même d’apprendre à coopérer, il importe donc de développer son intelligence émotionnelle : d’abord en identifiant en soi ses émotions (voir l’autre playbook d’Angela Duckworth), ensuite chez les autres, et observer les transferts d’émotions des uns aux autres. Car faire plaisir ou juste être utile à d’autres rend heureux. Je retrouve beaucoup cela dans le monde des startups, où régne une culture de l’échange. Depuis des années, j’aime conseiller et accompagner des entrepreneurs et intrapreneurs.
Pour promouvoir des organisations plus ouvertes et plus collaboratives en somme et bien sûr des sociétés plus soudées, un bon point de départ serait d’amener nos enfants à prendre du plaisir à en donner, et faire en sorte qu’ils y prennent goût.
Bon dimanche à tous,
Matthieu
Aller plus loin 🔭
J’ai découvert un entretien avec Corine Pelluchon dans le dernier numéro d’Usbek et Rika qui fait écho à cette réflexion. Auteur de “Les lumiéres à l’âge des vivants” (Seuil, 2021), elle en appelle à une éthique de la considération (vs celle de la domination).
Plus que jamais, il est possible d’avoir un impact dans nos sociétés capitalistes, en développant des organisations horizontales et ouvertes. Pour rester dans le registre des startups, le framework de Convexity développé 360 Learning fait pour moi figure de référence. On est plus dans la méthodologie que le purpose, mais cela illustre bien à quel point les compétences émotionnelles comptent.