Bonjour Ă tous,
Il y a quelques semaines, jâĂ©tais interrogĂ© avec mon fil ainĂ© pour un podcast de Elle Magazine (lien Ă suivre lorsquâil sera publiĂ©). Le sujet : comment la nature peut-elle aider les enfants Ă devenir autonome ?
Une fois le podcast enregistrĂ©, je nâĂ©tais pas vraiment satisfait. Jâavais traitĂ© le sujet en le survolant, et il me semblait avec le recul que lâessentiel Ă©tait ailleurs, que je nâavais pas partagĂ© la question qui me taraudait le plus. Trop complexe Ă dĂ©velopper, trop intime et peut-ĂȘtre clivante, je lâavais refoulĂ©e. Jây reviens ici Ă tĂȘte reposĂ©e.
đ Nature et autonomie, les grands axes
Ă la question posĂ©e dâabord, quelques rĂ©ponses faciles Ă comprendre, et potentiellement utiles.
Parfois je suis surpris de voir mon fils cadet sâĂ©taler assez violemment dans lâherbe, puis se relever sans problĂšme. Lâautonomie câest dâabord cela, pouvoir gĂ©rer les problĂšmes, si on tombe ou si on se perd. Se perdre est dâailleurs lâune des choses que je fais le plus volontiers avec eux, câest pour eux un jeu, voire un privilĂ©ge de choisir au hasard oĂč ils sâengagent.
Ătre autonome, câest aussi permettre aux enfants dâĂȘtre acteurs de leurs apprentissages : inventer des jeux collaboratifs avec ses frĂ©res et soeurs en construisant des ponts ou des barrages par exemples dans les ruisseaux, est apprendre Ă crĂ©er des visages en argile, apprendre ensemble Ă compter des cailloux, etc. RĂ©pĂ©ter les mĂȘmes gestes aussi, pour faire grandir le corps, le renforcer et lui donner de la souplesse. Mercredi dernier, jâai dĂ» sauter dâun bord Ă lâautre dâune grande flaque au moins 30 fois avec mon fils cadet !
Dans la nature, les enfants savent ce quâil est bon ou non de manger, ils connaissent certaines plantes. Il y a quelques semaines encore, on goutait les baies dâarbousier, on ramassait des chĂątaignes et bien sĂ»r on partait aux champignons. Le cadet insistait pour ramener des chanterelles et des russules charbonniĂšres. Savoir quoi manger et bien manger, câest la base.
Enfin et surtout, la nature apporte une présence et crée un repÚre fondamental. Cela, Rachel Carson le dit mieux que quiconque :
âLâexploration du monde naturel est-elle simplement une manieÌre agreÌable de passer les plus belles heures de lâenfance ? Je suis persuadeÌe quâil y a quelque chose de bien plus profond, durable et important. Ceux qui, scientifiques ou profanes, deÌcouvrent les beauteÌs et les mysteÌres de la terre ne sont jamais seuls ou lasseÌs de la vie. Quelles que soient les vexations ou les inquieÌtudes dans leur vie personnelle, leurs penseÌes peuvent trouver des chemins qui les ameÌnent aÌ une paix inteÌrieure et une joie de vivre renouveleÌe. Ceux qui contemplent la beauteÌ de la terre puisent des reÌserves de force quâil conserveront tout au long de leur vie. Il y a une beauteÌ symbolique et reÌelle dans la migration des oiseaux, le flux et reflux des mareÌes, le bourgeon replieÌ, preÌt pour le printemps. Il y a quelque chose dâinfiniment soignant dans les refrains reÌpeÌteÌs de la nature â lâassurance que lâaube vient apreÌs la nuit, et le printemps apreÌs lâhiver. »
Rachel Carson, The sense of wonder â A celebration of nature for parents and children
đ Recalibrer les besoins
On est vraiment autonome que si on ne dépend de personne, et de rien. Or nous reposons sur un systÚme qui crée des dépendances, essentiellement matérielles.
Dâun cĂŽtĂ© ces dĂ©pendances sont source de plaisir : assouvir un besoin pour un plat ou un produit en particulier est toujours plaisant. De lâautre ces dĂ©pendances nous affligent (enfin je parle pour moi). On voudrait pouvoir faire avec moins : câest tout le courant minimaliste qui nous vient des Ătats-unis, avec The more of less, ou encore Clutterfree with kids (un vrai business !).
Mon problĂšme est le suivant : jâai envie dâoffrir Ă mes enfants des petits plaisirs, de leur donner beaucoup, Ă une Ă©poque oĂč on peut avoir tout. Dans le mĂȘme temps, je voudrais toujours ĂȘtre dans les bois avec eux, pour quâils rĂ©alisent quâon peut vivre comme un roi avec presque rien. Depuis quelques annĂ©es, je nĂ©gocie entre ces deux extrĂȘmes, avec comme ligne mĂ©diane un discours et un comportement eco-responsable imparfait.
La vĂ©ritĂ© est que je suis un enfant de la sociĂ©tĂ© de consommation, et que jâaurai du mal Ă me sentir comme un roi, sans rien. La vĂ©ritĂ© est que je suis probablement moins autonome que ne peuvent lâĂȘtre mes enfants. Eux peuvent encore sâaffranchir de ce qui, pour la plupart dâentre nous, nous conforte et nous enchaĂźne.
đ Curieux dâaller plus loin ?
Plusieurs dâentre vous mâont demandĂ© de remettre des liens, les voici !
đ Quelques beaux extraits et citations de Rachel Carson
đ Le jeu libre : le rapport du gouvernement Ăcossais
Bon dimanche Ă tous,
Matthieu
Merci Matthieu pour ce bel article, je termine votre livre que jâai beaucoup aimĂ©.